"il ne suffit pas d'être heureux, encore faut il que les autres ne le soient pas" J Renard
J'entends souvent dire que les inégalités progressent et que les écarts se creusent.
La plupart du temps il est question d'argent, et ce qui est dénoncé est : le fait que les riches sont ...de plus en plus riches et les pauvres... de plus en plus pauvres.
On considère donc, ce qui n'est pas prouvé mais peut éventuellement paraitre logique, que la masse totale des richesses représente une sorte de gâteau géant, et que donc l'enrichissement de certains nécessite que ces derniers aient en quelque sorte volé la part des pauvres.
Je dis que ce n'est pas prouvé car j'imagine que certains biens sont créés par des riches pour des riches, comme dans une petite cuisine à part dans laquelle ils fabriqueraient des petits gâteaux juste pour eux, lesquels n'auraient tout simplement pas existés sans leur petite cuisine personnelle. N'étant pas économiste ceci n'est qu'une intuition non étayée de ma part.
Je reconnais bien entendu que dans certaines circonstances l'hypothèse d'une appropriation de biens communs par des nantis particulièrement gourmands correspond à une réalité.
Il n'empêche : j'ai l'impression que dans de nombreux cas, ce qui semble choquer le plus n'est pas tant la pauvreté des uns que la richesse des autres, et que d'aucuns ( je ne parle évidemment pas des vrais miséreux mais des eternels insatisfaits des classes moyennes) pourraient éventuellement être contents de leur sort à condition que d'autres n'aient pas des sorts encore plus enviables.
J'en connais en tout cas que l'appauvrissement des riches suffirait à réjouir bien indépendamment du sort des pauvres.
La manière de présenter les inégalités comme par nature scandaleuses au lieu de se scandaliser seulement du sort des catégories en réelle difficulté se généralise pour concerner finalement des domaines dans lesquels la métaphore du gâteau à partager est totalement inadéquate voire ridicule.
Ainsi, ces derniers jours, une étude sur l'obésité et le mauvais état dentaire des enfants de maternelle a été présentée, sur tous les médias, de la manière suivante :
"santé : des inégalités dés la maternelle "( doctissimo)
"l'inégalité face à la santé commence à la maternelle " ( le monde)
"les inégalités de santé apparaissent dés la maternelle " ( l'express)....etc etc etc
Des comparaisons statistiques, qui ont pour but de mettre à jour des causes , les journalistes ne semblent retenir, ou en tout cas mettre en avant , que l'existence affreuse d'une disparité.
Aurait-il été moins scandaleux que les enfants soient partout obèses et aient des carries, ou que leur proportion soit la même partout ? dénonçait-on le mauvais état de santé de certains enfants ou le fait que d'autres échappent à ces problèmes ?
Personne, je dis bien personne, pour titrer quelque chose du genre " des problèmes de santé apparaissent dés la maternelle "ou encore " persistance de nombreux cas de problèmes de santé en maternelle".
D'aucuns diront que je chipote et que cette manie d'utiliser le terme "inégalité" ou la notion de "scandale des inégalités" n'est qu'une manière à la mode de dénoncer les situations difficiles de certains et ne prête guère à conséquences et encore moins à analyse.
Or il se trouve que par hasard, j'ai entendu il y a quelque temps un journaliste de Radio France qui parlait des enfants en difficulté à l'école (malheureusement je n'ai pas les références de l'émission ) et qui disait à peu près ceci :
"l'école ne remplit plus son rôle et de plus en plus d'enfants ont un faible niveau scolaire. Les services d'aide au devoirs du style Acadomia se développent. Ceci est terriblement inégalitaire car les enfants de ceux qui peuvent payer ces cours progressent tandis que les autres stagnent et cela creuse les inégalités de façon scandaleuse."
Cette sortie ne fut suivie d'aucune réaction et le présentateur passa à un autre sujet tandis que je m'interrogeais sur ce que je venais d'entendre.
L'ensemble des connaissances scolaires des enfants constituerait-elle, aussi, une sorte de gâteau à partager ?
Le journaliste, triste de constater le faible niveau des bambins, aurait-il été quelque part consolé que les moins pauvres, eux non plus, n'aient pas de solution de secours.
En tout cas il semblait se désoler tout autant, sinon plus, du fait que certains puissent s'en sortir que du faible niveau général de l'ensemble.
Des arguments de cette nature ont été employés lors de la petite polémique récente au sujet des devoirs scolaires, certains paraissant gênés essentiellement et presque totalement par le fait que quelques catégories de parents étaient plus à même d'aider leurs enfants que d'autres.
A moins d'une loi et de l'installation de surveillance vidéo à domicile, j'ai le regret de leur faire savoir que certaines mamans continueront à ne pas laisser leur bambins livrés à eux mêmes après l'école au risque de vider les cervelles des petits pauvres assis devant la télévision pour mieux remplir celles de leurs enfants nantis installés devant des livres.
Je fini par me demander si, ayant vainement essayé (ou répété avoir essayer) de sauver tout le monde, nos saints laïcs ne préféreraient pas noyer l'ensemble de la population plutôt que d'avoir à supporter que certains gardent malgré tout la tête hors de l'eau.
La question est : iraient-ils jusqu'à l'autolyse car pour la plupart d'entre eux ils ne sont ni pauvres ni obèses, leur dentition est parfaite et ils travaillaient bien à l'école.