Et oui, j 'y étais , au " 10 mai 1981"
Même que pour moi, c 'est un anniversaire : celui du jour où mon joli monde manichéen a été tout ébranlé pour la première fois. Juste le jour de la victoire du bien sur le mal, c 'est vraiment pas de chance.
Dix mai 1981 : j 'ai vingt deux ans, mon mari vingt cinq, des parents socialistes et des beaux parents sympathisants communistes.
Nous venons de voter Mitterrand : non seulement sans hésiter mais tout à fait sans réfléchir, sans même lire les programmes des uns et des autres en tout cas. Voter Mitterrand est une évidence. De toute façon nous ne connaissons presque que des gens de gauche.
La gauche c 'est la générosité, la gauche c 'est l 'amitié, la gauche c 'est l 'espoir.
Seul, dans notre entourage , mon grand père maternel déteste le futur président . Mais toute la famille considère les opinions politiques du pépé comme une sorte de particularité qu 'on lui pardonne , une originalité presque drôle qu 'on ne commente plus mais qu 'on résume par un " sacré pépé! "en secouant la tête .
Mon père est un élu local , ayant miraculeusement gagné une élection en terre ennemie grâce à une " triangulaire". Sa carrière de politicien n 'est pas de niveau national, mais le grand François s 'est tout de même arrêté quelques heures chez lui et ma mère pendant la campagne présidentielle et y a laissé un " fauteuil de Mitterrand "comme d 'autres ont laissés des "lits du roi" en se deplaçant avec leur cour.
Quand le résultat des élections apparait sur l 'écran de télévision des mes beaux parents, tout la famille présente saute presque de joie.
Nous sommes jeunes, les bons ont gagné, les méchants ont perdu, la suite s 'annonce magnifique.
Mon père est bien entendu resté attendre les résultats avec ses camarades à la permanence du parti socialiste..
"Allons les rejoindre " propose alors mon jeune mari.
Nous partons ravis, et la voiture est bientôt en vue de la petite rue qui abrite le QG alors que
les sympathisants de gauche, arrivant de partout, débordent des trottoirs qui mènent au local et s 'agglutinent au milieu de la rue.
Nous sommes rapidement entourés de gens très joyeux qui fêtent bruyamment la victoire.
Les coups commencent à pleuvoir sur la voiture quasiment à l'arrêt , des insultes fusent au milieu d 'un brouhaha et tout d 'un coup on entend, clairement articulé:" tu va voir, le toubib, cette fois ci on est du coté du manche, t 'entends, du coté du manche !"
Nous venons enfin de comprendre que c 'est le caducée du jeune médecin remplaçant qui a déclenché la rage du petit groupe.
Nous sommes encerclés par les fêtards défrustrés par leur victoire... sur les "nantis".
Des paumes tapent les vitres.
Une phrase fuse " Eh !Arrêtez les gars c 'est la fille de C. !!!"
"Oh merde ! C 'est elle! Laissez les passer"
Le groupe s 'est écarté, dégageant le passage.
Sauf que finalement, la fille de C., n 'avait plus envie de passer, ni d 'aller rire avec les "camarades", et qu'elle est repartie avec le gendre du socialiste et une légère déception envers les gens de gauche, la première d 'une grande série.
Si en plus ils avaient su que plus tard elle ferait un blog de réacs...