"La France n'est pas une petite nation. Elle est une nation universelle ou, comme l'a si bien dit Robert Badinter, « la France est plus grande que la France »" Martine Aubry
J'ai bien écouté tous ces intellectuels qui inlassablement nous expliquent que nos frontières, géographiques autant que culturelles, sont artificielles et, par la même, obsolètes.
Je ne suis pas seule à les avoir écoutés. Certains de leurs auditeurs l'ont fait avec tant de zèle que désormais ces idées sont les leurs. Ils n'ont même pas conscience qu'ils n'ont pas toujours pensé ainsi, et lorsqu'ils me disent que l'idée même d'une nation qui pourrait avoir une identité, par définition "nationale", est une aberration, on sent qu'ils ont tant intégré cette nouveauté qu'ils ont l'impression qu'il s'agit d'une évidence et qu'elle leur est dictée par leur propre cerveau..
Parfois une sorte de lapsus leur échappe et je me souviens avoir sourit en entendant l'un d'eux critiquer la circulaire Guéant au motif qu'elle pourrait diminuer le rayonnement de la France à l'étranger, quelques minutes après m'avoir expliqué que la nation n'avait pas d'importance car ce qui comptait c'était le monde, la planète...
J'en parle aujourd'hui car il me semble que cette France (qui n'existe pas mais qui doit rayonner) , est moins une contradiction de leur pensée qu'un paradoxe qu'ils assument.
Vous verrez que maintenant qu'ils ont la bête à déchiqueter, c'est en glorifiant son caractère sacré qu'ils vont en éparpiller les morceaux.
Car c'est bien au nom de la France, leur France, qui ne serait riche que de ses diversités, dont la culture serait sans intérêt sans l'apport des autres cultures, dont l'histoire ne serait rien sans l'interférence féconde, forcément féconde avec les autres nations, qu'ils livreront le pays en pâture.
On a tort de croire qu'ils n'aiment pas la France, bien au contraire ils en sont fous.
Fous au point de croire qu'elle est un lieu magique au sein duquel le miracle peut avoir lieu, le miracle du fameux "vivre ensemble avec les gens du monde entier", qui n'a jamais été possible nulle part, mais qui le sera, "ici et maintenant", très bientôt.
Il suffirait que nous acceptions enfin de renoncer à définir ce lieu pour que la magie opère et que le monde soit tout entier contenu dans cette nouvelle France glorieuse à force d'être floue.
Le fossé me semble infranchissable dorénavant entre nous, les anciens ( vieux quel que soit notre age ) qui avons souffert de voir les drapeaux étrangers flotter sur la bastille noire de monde , et ceux pour qui ces mêmes images ont été non pas un incident peu significatif, mais un vrai motif de réjouissance.
On aurait tort de croire que les "gaulois" qui se glorifient de ce que dorénavant les français sont non seulement de toutes les couleurs et de toutes religions mais qu'ils sont aussi de toutes nationalités, ont la haine d'eux mêmes.
Au contraire, je crois qu' ils ont un orgueil démesuré.
C'est notre vision, étriquée ( mais oui ils ont raison) qui nous fait nous contenter d'un simple pays avec son histoire, sa culture et ses habitants. C'est petit !
La France de nos rêves est un très vieux château. Tout en regrettant, parfois seulement, le temps de sa splendeur, sa façade resplendissante, ses peintures fraîches, ses jardins, nous avons accepté qu'elle soit défraîchie et que le terrain ait été morcelé. Nous voulions continuer à vivre dans le confort petit bourgeois de ses meubles patinés, en acceptant le désagrément de quelques travaux de rénovation et les travaux d'entretiens que nécessite une vieille bâtisse.
Nos chambres étaient nombreuses et nous avions depuis longtemps accepté d'agrandir la famille et de partager nos repas avec les pièces rapportées.
Quelle modestie ! Et qui ne sied pas à nombre de nos contemporains.
Ne pouvant plus dorénavant avoir le domaine le plus beau, le plus riche et le mieux entretenu ils ont décidés d'en faire le phare du monde.
Ecoutez leur discours : la France ouverte qu'ils glorifient et qui a l'évidence disparaît en se brouillant, ils ne l'acceptent pas, non, ils s'en vantent !
Il ne sert plus à rien de leur dire que le reste du monde ne fonctionne pas comme cela, que les pays et les nations existent partout et se protègent à leurs frontières matérielles autant que symboliques : ils pensent que justement, nous français, nous ne devons pas suivre le reste du monde car nous le devançons.
Il ne sert à rien de leur montrer que jamais aucune cohabitation n'a pu être possible entre certaines cultures et d'autres, car ce qui n'a jamais pu être fait où que ce soit le sera ici car ils pensent que nous français, nous donnerons l'exemple, nous montrerons la voie.
Les frontières sont artificielles, donc obsolètes.
La culture aussi.
La langue suivra.
Ecoutez bien leur message qui pourrait se résumer à ceci : " En disparaissant nous sommes les plus forts !"
Et oui, nous brillerons en proportion de l'ouverture qui nous détruit.
Quoi de plus lumineux qu'une explosion ?
C'est un suicide, mais je crois aussi que c'est un suicide né d'un rêve de grandeur, d'une mégalomanie.