Dimanche matin, tout en me livrant à quelques occupations ménagères, j'allumais négligemment la radio, réglée sur France culture, et ce vers 11h30. Je tombais donc sur l'émission hebdomadaire qu'y tient Philippe Meyer et qui n'est pas, et de loin, la pire qu'on puisse écouter sur une radio publique.
Y débattaient plusieurs intervenants qui se mirent à parler des "tensions dans le monde arabe". L'un des participants, Jean Louis Bourlanges, prit la parole pour se désoler tout haut d'une certaine évolution des printemps arabes et s'inquiéter du nouveau pouvoir pris par les islamistes en différents endroits, en s'appuyant sur du factuel (discours du principal responsable islamiste en Tunisie, persécution des coptes en Egypte, progression des intentions de vote en faveur des frères musulmans).
Il fut aussitôt interrompu par quelqu'un d'agacé (un dénommé Thierry Pech) qui n'avait aucun fait pour le contredire, mais beaucoup de pensées très positives, à envoyer un peu partout.
Il lui tint donc, à peu près, ce langage :
vous semblez pessimiste, tout vous semble effrayant
sachez que c'est très laid, et même assez méchant
il est bien dangereux d'être aussi négatif
c'est non seulement vilain, mais contre productif (*)
Une madame Kauffmann, directrice éditoriale au Monde, et donc très informée, prit aussitôt le relais pour approuver Pech et permit que l'émission se termine sur ses paroles apaisantes : "....et ce qui s'est passé en Tunisie doit nous donner plus d'espoir que de pessimisme"
Tout ceci était bien agréable à entendre...pour tous ceux qui aiment bien être rassurés.
J'aurais presque pu croire tous ces optimistes, puisque leurs propos rassurants s' ajoutaient à ceux de tous nos "Alain Juppé" et à ceux qui nous expliquent que les régimes islamiques sont des sortes de démocraties chrétiennes, simplement à la sauce musulmane (n'en différant sans doute que par l'ajout de quelques épices dont le piquant n'est que douceur exotique).
Dommage que si peu de temps avant d'écouter la radio, j'ai allumé la télé.
Car sur celle ci, figurez vous, monsieur Elkabach demandait à madame LePen ce qu'elle comptait faire "des milliers de femmes qui viendraient bientôt demander l'asile à la France pour fuir les islamistes" et, ne trouvant pas sa réponse assez généreuse insistait : " et celles qui seront torturées ? hein !"
Entre la radio et la télé, j'aurai donc dû choisir car d'avoir entendu les deux conduisait à penser de la façon suivante :
"Nous ne devons pas nous inquiéter de l'islamisation... tout en nous préparant à accueillir ses futures victimes par milliers"
Nous sommes de plus en plus soumis à ce genre d'injonctions paradoxales.
On disait autrefois qu'elles conduisaient à la schizophrénie.
On sait qu'il n'en est rien, mais il demeure probable qu'elles conduisent au déboussolage ...ou à la mauvaise humeur, en ce qui me concerne.
(* )Pour information, la réponse authentique de Thierry Pech qui nous permet de découvrir de nouvelles variétés d'islamistes pour nous changer des modérés :
"La situation est suffisamment grave pour que nous n'y ajoutions pas des efforts répétés pour se faire peur. Il y a des islamistes dangereux, non participatifs et puis il y a des islamistes participatifs. Il y a des islamistes qui veulent entrer dans le jeu politique. Rien ne serait plus contre productif que de se faire peur sur des mouvements qui rêvent d'un certaine manière d'un modèle turc, c'est à dire un compromis entre l'islam et la démocratie, d'un modèle turc en Tunisie, d'un modèle turc en Egypte. Il vaut mieux les aider que les stigmatiser."
Pour ma part, à l'évocation des gentils "islamistes participatifs"... je n'ai qu'un acronyme à dire : LOL !